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Rubrique Culture humaniste, histoire, géographie.

Enseignement de l’Histoire et de la géographie

Le 17 novembre 2008

Comment l’histoire et la géographie sont-elles enseignées à l’école primaire ? Constat et évolution en cours

Philippe Claus, inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe du premier degré

Au cours des dernières années scolaires les inspecteurs généraux et les inspecteurs de l’Éducation nationale ont observés la mise en œuvre, au cycle 3, des programmes de 2002. Les lignes qui suivent dressent le bilan de ces observations et proposent quelques perspectives.

L’histoire et la géographie ne sont enseignées, comme telles, qu’au cours des trois années du cycle 3. Les enseignements dispensés dans le cadre du domaine "connaissance du monde", au cours du cycle 2 et à l’école maternelle qui préparent bien à la compréhension de l’histoire et de la géographie, ils ne sont pas analysés ici.

Un constat en demi-teinte

Tous les observateurs ont pu constater que ces disciplines étaient enseignées plus systématiquement que par le passé, même si les horaires et les programmes n’étaient pas totalement respectés. Les horaires effectifs sont en général inférieurs aux horaires officiels : une trentaine d’heures par année en hiloire, un peu moins en géographie. Les outils dont disposent les élèves sont relativement rares et souvent obsolètes, c’est en particulier le cas des manuels en usage dans les classes qui sont souvent anciens, voire inexistants. Les photocopies, trop nombreuses, servent de substitut au livre et à la trace écrite.

L’observation des leçons permet de discerner deux constantes majeures : l’omniprésence du document, source ou prétexte à la mis en activité des élèves et l’oral toujours sollicité, mais peu travaillé ; on lit fréquemment, sans toujours exploiter ces temps d’apprentissage et on travaille peu la production d’écrits.

Dans l’immense majorité des leçons observées, le maître est le conducteur de la séquence, organisée très souvent en ateliers ou groupes. En fait, c’est le cours dialogué qui l’emporte, à partir de l’analyse de documents photocopiés. Les élèves sont convenablement sollicités. L’enseignant emploie un lexique précis dans la majorité des cas et reprend parfois les élèves qui ne le maîtrisent pas. Deux maîtres sur trois sont attentifs à la qualité des descriptions, de l’expression des relations causales et sont soucieux d’aider les élèves à améliorer leur expression. Les connaissances des élèves sont vérifiées. Moins de la moitié des enseignants aident les élèves à organiser leur expression pour exprimer clairement ce qu’ils ont observé. Les "petits parleurs" sont rarement sollicités. Il n’est pas rare de voire des élèves complètement muets dans les groupes de travail, la parole étant monopolisée par quelques élèves peu timides.

Les inspecteurs ont heureusement aussi assisté à des séances remarquables, bien structurées où les élèves se sont exprimés dans une langue claire et riche, encouragés par un maître tonique et enthousiaste.

Les écrits des élèves, tels qu’ils apparaissent dans les cahiers sont quantitativement insuffisants et qualitativement trop peu rigoureux. Avec une moyenne de quatre lignes par semaine de classe, c’est la photocopie qui domine dans les cahiers ou les classeurs.

Les résumés sont les formes d’écrits les plus présents suivis par les documents légendés, les schémas, dessins, croquis ou graphiques, la description ou le commentaire d’un document, et enfin très rarement le travail sur le lexique. La tenue des cahiers est globalement médiocre. Ces derniers s’apparentent plus à des brouillons, ou des cahiers d’essai qu’à des outils sur lesquels sont consignés les éléments importants d’une séquence d’enseignement. Ils sont, de plus, mal organisés : on distingue difficilement ce qui relève de la courte synthèse, de l’essai ou de l’explication de document.

Mais ce qui interroge le plus les observateurs concerne les acquis des élèves : ils maîtrisent des connaissances ponctuelles et superficielles, qui ne sont pas inutiles mais qui n’entrent pas dans une problématique précise et ne permettent pas la construction de notions essentielles.

L’histoire et la géographie sont-elles des disciplines difficiles à enseigner à l’école primaire ?

L’évolution rapide des attentes de l’institution a pu déstabiliser de nombreux enseignants. Après une relative stabilité des instructions officielles tout au long de la troisième et de la quatrième République, l’arrêté du 7 août 1969 qui réserve six heures aux disciplines d’éveil et les textes de 1977 qui les définissent marquent une rupture profonde. Pendant plus d’un demi-siècle l’histoire, la géographie, la morale et l’instruction civique ont été des enseignements indissociables au service de la patrie et de la République. Les programmes, très structurés, insistaient sur la nécessité de faire connaître les plus grands personnages et les faits principaux de l’histoire nationale. En géographie, le cœur du programme portait sur la France physique et politique ainsi que sur ses colonies. En histoire, la méthode pédagogique préconisée s’appuyait sur le récit et sur un dialogue entre le maître et ses élèves. Les instructions officielles (I.O.) insistaient de plus sur l’observation, la mémorisation et la localisation.

Avec les textes du début des années soixante dix, l’objectif a été d’éveiller la curiosité des élèves, de leur apprendre à réfléchir à partir d’observations, en partant du plus proche pour aller au plus lointain, avec une forte insistance sur l’exploitation de l’environnement proche. Les activités d’éveil ont suscité de fortes résistances, elles étaient objectivement difficiles à réussir, elles étaient contestables dans l’approche des deux disciplines, dans la mesure où elles présentaient les faits, les évènements, les situations de façon occasionnelle sans l’exigence de la chronologie et sans prise de conscience de la relativité des valeurs.

Depuis les programmes de 1985 jusqu’à ceux de 2002 les finalités scientifiques et civiques des deux disciplines sont réaffirmées, au cours du cycle des approfondissements particulièrement.

L’histoire et la géographie viennent nourrir l’éducation civique qui est désormais considérée comme le second pôle organisateur de l’école, après le langage et la maîtrise de la langue française.

La grande ambition des programmes de 2002

L’intention explicite des programmes de 2002 est de favoriser, par la comparaison avec des sociétés différentes dans le temps et dans l’espace, la construction chez les élèves d’une identité forte, à la fois sûre d’elle même et ouverte, fondée sur la conscience de s’inscrire dans un héritage et de participer à l’aventure d’un espace commun à tous les hommes". (Programmes p. 65 du BOEN hors série N°1 du 14 février 2002)

L’histoire et la géographie ont aussi retrouvé des finalités propres. Pour l’histoire, il s’agit d’aider l’élève à "construire une intelligence du temps historique". Le cycle 3 vise à poser des jalons et des repères, dans le respect du déroulement chronologique. La géographie est située clairement comme l’étude de l’espace organisé par les sociétés. L’accent est mis sur la lecture et la compréhension du paysage, ainsi que sur la mise en relation des paysages avec l’étude de cartes.

Si l’histoire et la géographie ont bien des objectifs, des contenus et des démarches pédagogiques qui leur sont propres, l’articulation de ces enseignements avec les apprentissages instrumentaux, en particulier ceux liés à la maîtrise de la langue, s’imposent en permanence. Toute leçon d’histoire ou de géographie devrait être aussi un moment d’apprentissage de la langue.

L’éducation civique, considérée, avec la maîtrise de la langue, comme pôle organisateur de l’école, a pour objectifs de sensibiliser aux valeurs civiques et, ainsi, d’amener les élèves à construire des relations de respect mutuel et de coopération réfléchie. Elle prend appui sur toutes les situations de la classe, sur un temps identifié de débat réglé (1h par quinzaine) ainsi que sur les connaissances acquises dans d’autres disciplines, singulièrement l’histoire et la géographie.

Les programmes, complétés par le document d’application, préconisent un certain nombre de démarches pédagogiques, en histoire : - l’usage de documents, traces et sources de l’histoire, qui conduit les élèves à des exigences critiques et à la rigueur du raisonnement ; - la réflexion collective et le débat qui supposent un usage réglé de la parole ;- la place faite au récit ;- l’écriture collective et/ou individuelle de courtes synthèses.

La géographie suppose un usage rigoureux et argumenté de la description, de l’analyse et de la synthèse qui fait appel à des supports variés. L’élève est amené à observer, à localiser à décrire, pour comprendre les relations et les représenter. Il agit aussi par le biais du débat, écrit collectivement et individuellement de courtes synthèses.

Bien que la quasi totalité des séances d’histoire et de géographie observées soit construites autour de documents et que leur étude soit un peu plus rigoureuse que par le passé, on en analyse trop rarement le sens par une recherche précise d’indices (vocabulaire, temps des verbes ou connecteurs logiques). Sans contester l’utilité du document dans une pédagogie active qui ambitionne de former les élèves à une démarche s’apparentant à celle de l’historien et du géographe, sans minimiser l’intérêt du document outil pour formuler des hypothèses et rechercher des preuves ou pour exercer son esprit critique, l’histoire et la géographie ne peuvent être enseignées uniquement par l’étude du document. À force de vouloir tout découvrir et démontrer par l’analyse de documents, les enseignants construisent des séquences certes riches, mais très longues qui peuvent lasser les élèves et ne permettent de construire que quelques îlots de connaissances peut-être précises mais ponctuelles et sans relations entre elles. Comment construire, en histoire, "une intelligence du temps historique fait de simultanéité et de continuité, d’irréversibilité et de rupture, de courte et de longue durée" ? On s’interdit en même temps d’aider l’élève à atteindre la première compétence énoncée : "être capable de distinguer les grandes périodes historiques, pouvoir les situer chronologiquement, commencer à connaître pour chacune d’entre elle, différentes formes de pouvoir, des groupes sociaux et quelques productions, en particulier dans le domaine artistique".

Des évolutions souhaitables

- Retrouver un nouvel équilibre entre étude de documents, récit et exposé par le maître

L’initiation de l’élève à une première forme modeste mais réelle d’esprit critique nécessite de transmettre, souvent au préalable, des connaissances sous la forme d’exposés du maître ou de récits divers et brefs (témoignages ou lecture de témoignages écrit, mais aussi lecture d’un récit composé par un historien) dont la compréhension sera vérifiée. Force est de constater aujourd’hui, une forme d’autocensure quant à l’usage du récit et de l’exposé par le maître qui se contente trop souvent de transmettre des consignes, d’animer la recherche, de corriger et de construire la trace écrite. En géographie, il en va de même. Les premières bases d’une culture géographique, indispensable pour le futur citoyen, pour comprendre le monde contemporain, ne peuvent se construire que sur des connaissances qui seront en partie transmises par le maître.

Les inspecteurs généraux ont pu constater la place importante laissée à la réflexion collective au cours des séances d’histoire et de géographie. Cette organisation de la classe suppose un usage réglé de la parole, une attention à la précision de vocabulaire employé et à la rigueur du raisonnement ; elle laisse le plus souvent face à face le maître et quelques élèves déjà largement formés à la prise de parole.

- Dire, lire et écrire : une chance pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie.

L’histoire et la géographie offrent la possibilité de lire une grande variété de textes (consignes, récits, textes sources, descriptions…), d’images ainsi que des formes multiples de documents (cartes, graphiques, statistiques…). Le travail sur le lexique, la découverte de mots nouveaux et le réinvestissement régulier de ceux que l’on croit assimilés doit être un réflexe comme il l’est dans les séquences de français. Cette activité qui ne concerne pas exclusivement le vocabulaire spécifique aux deux disciplines, prend une acuité particulière lorsqu’il s’agit de notions propres à l’histoire et à la géographie : un paysage analysé par un géographe n’est pas de même nature que celui que peut décrire un écrivain. La compréhension des documents sources de l’histoire et de la géographie est rendue plus aisée lorsqu’elle est étayée par quelques éléments d’observation réfléchie de la langue. Ainsi le mode et le temps des verbes employés est souvent un bon indice pour savoir si l’auteur du texte est un témoin direct ou non ; c’est aussi une excellente occasion pour réactualiser des connaissances. À l’oral, une attention particulière au modèle linguistique utilisé par les élèves est indispensable. Il s’agit d’habituer les élèves à utiliser pour leurs échanges une langue de communication simple mais rigoureuse et précise.

Faire écrire les élèves dans des disciplines où le récit et la description tiennent une place majeure, c’est participer aux compétences attendues en matière de maîtrise de la langue française : "élaborer et écrire un récit (ou une description) d’au moins une vingtaine de lignes, avec ou sans support (l’analyse de documents peut en être un) en respectant les contraintes orthographiques, syntaxiques, lexicales et de présentation". Ces diverses formes d’écrit peuvent être de reformulation, de "création", mais aussi et systématiquement de manière collective ou individuelle de construction d’une courte synthèse ; la trace écrite qui devrait à l’issue de chaque séquence faire émerger l’essentiel. Dans ce cadre, la qualité de l’écrit dans les cahiers devrait être systématiquement valorisée.

En guise de conclusion

- L’histoire et la géographie : aider tous les élèves à accéder à une première culture humaniste

L’histoire et la géographie participent pleinement de la définition de la culture humaniste telle qu’elle apparaît dans le socle commun.

Ainsi, les connaissances acquises au fil des leçons dessinent-elles les premiers repères dans le temps et dans l’espace. Ils seront consolidés et approfondis au collège pour constituer la culture historique et géographique attendue des élèves dans le cadre du socle commun.

À l’école primaire, les élèves mémorisent situent les uns par rapport aux autres, les principaux repères spatiaux et chronologiques, en prenant notamment appui sur des événements et des personnages clés. Les élèvent découvrent ainsi pour chaque période une ou deux caractéristiques permettant de comprendre les étapes décisives de l’histoire de l’humanité en accordant une place éminente aux grands événements de l’histoire de France. En géographie, les élèves identifient quelques caractères principaux des grands ensembles physiques (océans, continents, grands domaines climatiques et biogéographiques) et humains (Quelques États et quelques grandes villes du monde et de l’Union européenne, en fonction du projet de l’École…), ainsi que les grands ensembles spatiaux du territoire français : localisations et principales caractéristiques.

L’histoire et la géographie participent aussi d’une première approche de repères culturels (identifier, pouvoir resituer dans leur période, comprendre l’importance de quelques grandes œuvres du patrimoine national, européen et mondial) et civiques (identifier et comprendre l’importance des valeurs, des textes fondateurs, et des symboles de la République française et de l’Union européenne).

Actes du séminaire - Acquis des élèves et pratiques d’enseignement à l’école primaire, au collège et au lycée
Direction générale de l’Enseignement scolaire - Publié le 05 août 2008
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